Et si c'était vrai ? (Will)

Elle courrait à en perdre haleine. Quand elle arriva à la tour, elle s'effondra au sol. Ses poumons lui brûlaient, son coeur bâtait trop vite et lui faisait mal, sa gorge était trop sèche, et sa tête allait exploser. Elle se la prit entre les mains. Assise contre la tour. Le vent souffla doucement. Elle ferma les yeux.

Et si c'était faux ?

- Si tu m'aimais, et si je t'aimais... comme je t'aimerais ! souffla-t-elle en s'adossant plus confortablement contre la pierre, relâchant ses bras le long de son corps.

C'était un bout d'un poème français, d'un de ses poètes préférés. Dans sa lettre à Will, elle l'avait également cité. Ce petit paragraphe au début. Qui résumait toute leur situation. Elle sortit un collier de sous son pull. Un pendentif en forme de coeur pendait à une chaîne en or. Grâce à un sort, il s'ouvrit doucement, et elle saisit l'objet magiquement miniaturisé. D'un nouveau sort, elle l'agrandit, puis referma l'écrin. Cet objet, c'était justement cette lettre. Avec celle de Will. Elle les gardait toujours sur elle. Pour relire la sienne, et lui donner celle qu'elle avait écrite, comme ça, si à leurs retrouvailles il ne voulait pas d'elle, il pourrait au moins savoir à quel point elle l'avait aimé...

Son odeur, ses bras, sa peau, sa voix. Tout. Elle avait tout de nouveau. Enfin. Mais elle n'arrivait pas à y croire. Elle resta figée un petit instant, juste le temps de donner assez de courage à ses bras pour qu'ils se soulèvent, tremblants comme des feuilles... Et se referment soudainement sur Will ! Et quand Bridget comprit que si, tout était réel, tout, qu'il était là, vivant, dans ses bras, qu'il la serrait contre lui, que c'était bien lui, elle poussa un long gémissement, expirant son desespoir trop grand, ferma les yeux fortement, et se serra avec tout son reste de force contre ce torse tant aimé, et plongea son nez dans son cou.

Et elle pleura. Elle pleura sans bruit, ses minces épaules se soulevant rapidement. Sa main remonta rapidement le long de son dos et vint se loger dans ses cheveux châtains , les ébouriffla, les caressa, s'y agrippa ! Ses jambes s'enroulèrent d'elles même autour de sa taille, pour le rapprocher plus près, encore plus près. Sa bouche se mit à parcourir son cou, sa langue regoûta à sa peau et elle poussa un nouveau long gémissement, mais de plaisir cette fois. De bonheur sans nom. Et dans un élan de passion mêlé à un reste d'hésitation sur la réalité de la situation, elle se redressa, plongea son regard bleu dans le sien, posa ses mains sur ses joues roses, et captura ses lèvres.

Elle colla son bassin au sien, passionnément, dévorée par une fièvre qui ne l'avait plus habitée depuis trop longtemps. Sa tête bascula en arrière alors qu'il dévorait son cou. Bon sang, que c'était bon... Il n'y avait pas de mots pour décrire cet instant. Bridget était dans un état second. Rien d'autre n'existait si ce n'était Will contre elle. Que les lettres traînent au sol, que les chouettes et les hiboux volent au dessus de leur tête, qu'une fiente d'oiseau atterrisse sur leurs vêtements, elle s'en moquait !! Ce qu'elle vivait était d'explosion continue de bonheur, de plaisir, et de désir.

Elle n'arrivait pas à parler. Elle voulait lui dire tellement de choses à la fois que les mots se perdaient dans sa gorge. Elle voulait lui crier son amour, et toute son inquiétude aussi, sa colère, sa peur, ses angoisses ! Ses mains passèrent sous sa chemise et ce contact fut comme une décharge électrique. Elle n'en pouvait plus. C'était trop à la fois. Elle voulait que leurs corps fusionnent à jamais.Ne plus jamais se séparer, plus jamais. Ses mains se crispèrent sur les hanches de Will alors qu'elle plongeait son nez dans son cou.

- Reste avec moi... supplia-t-elle. Ne pars plus.

Une caresse trop prononcée et ses ongles griffèrent légèrement le ventre du jeune homme.

- Je nous tuerais si tu pars encore... affirma-t-elle en se redressant, l'air subitement terrifié à l'idée que cet instant ne dure pas.

Bridget resta sans voix. Jamais elle n'aurait imaginé Will lui faire une telle proposition, bâtir un tel projet d'avenir pour eux deux... Vivre ensemble ? Loin de tout ? Avec Léo ? Elle vivait un rêve éveillé. Elle sourit. Depuis combien de temps cela ne lui était pas arrivé ? C'était peut-être le plus beau jour de sa vie... Elle ne put que hocher positivement et vigoureusement la tête, et embrassa de nouveau passionnément Will.

- Tu ne sais pas à quel point je t'aime... murmura-t-elle. C'est trop incroyable pour être vrai... Son sourire s'élargit et elle fut même secouée d'un petit rire. Remarque... si ça avait été un rêve, on serait peut-être pas dans un endroit dégueulasse à se faire dévisager par des oiseaux.

Elle n'avait pas relevé pour Léo. Si Will l'avait mentionné, cela signifiait certainement qu'il était vivant. Peut-être pas en bonne santé, mais vivant. Mais il n'avait pas parlé d'Emma... Bee déglutit doucement mais ne dit rien. Elle ne voulait pas gâcher cet instant. C'était purement égoïste, mais ce petit instant de bonheur était déchiré par les cris et les larmes et que le lendemain elle se réveillait seule en s'apercevant qu'elle était définitivement et irrévocablement folle à liée, elle s'en voudrait beaucoup trop de l'avoir gâché...

Le sourire de Bridget se terni un peu.

- Oui... admit-elle, l'air quelque peu effrayé par ce qu'elle allait entendre. Mais peut-être devrions nous aller dans un endroit plus approprié... J'aime beaucoup la fiente de hiboux, mais tout d'même.

Elle l'embrassa tendrement sur le front, amusée par sa propre bêtise.

Bridget réfléchit un instant... Et tout compte fait, elle était bien là. Elle ne voulait pas bouger.

- La flemme d'aller ailleurs, avoua-t-elle dans un petit sourire. Et on risque d'être dérangés partout... On s'installe un peu mieux ?

Bridget, qui caressait doucement la joue de Will pour le rassurer et l'apaiser, stoppa tout mouvement à peine sa première phrase prononcée. Sa main resta en l'air. Elle était figée. Elle fixait le mur face à elle, la bouche entrouverte, mais incapable de produire le moindre son. Emma, morte. Léo, aveugle. Elle se redressa doucement pour faire face à Will.

- Mais... Pourquoi ? souffla-t-elle faiblement.

Son cerveau refusait l'information, elle n'arrivait pas, elle ne pouvait pas, envisager une chose pareille. Elle ne pouvait pas imaginer sa petite poupée aux mains d'êtres sanguinaires lui faisant subir les pires horreurs, elle ne pouvait pas imaginer Léo être rendu aveugle d'une quelconque façon, elle ne pouvait pas imaginer Will enfermé dans un camp colombien, elle ne pouvait pas imaginer une seule seconde cette histoire. Pourquoi un camp en Colombie ? Pourquoi s'être faits enlever ? Pourquoi l'avoir torturée ?
Et pourtant, le visage de Will ne laissait entrevoir aucun espoir d'un quelconque cauchemar. Jamais il ne se serait mis dans un état pareil, même devant elle, si tout cela n'était pas la stricte vérité...

Héritière, kidnapping, Emma, Lily, Mélanie. Mélanie était en grand danger. Emma était morte injustement, terriblement. Will criait vengeance. Will allait sûrement repartir.
Bridget déglutit. En cet instant même, c'était trop pour cerveau en à peine quelques heures, alors celui-ci s'interdit de penser. Elle ferait cela à tête reposée. Et fit la seule chose dont elle était capable à présent, elle serra Will contre elle, le plus fort qu'elle put.

- Tu as sauvé Léo, rappela-t-elle, la voix mal assurée. Tu aurais pu les perdre tous les deux, on aurait pu vous perdre tous les trois... On ne l'aurait certainement jamais su, alors on aurait continuer à vous chercher en vain... Je t'en aurai voulu toute ma vie sans rien comprendre. Elle caressait tendrement ses cheveux et embrassait son front. Vous êtes rentrés tous les deux, et ça, c'est déjà un miracle. La seule chose qu'on peut faire pour Emma maintenant, c'et essayer de s'en sortir au mieux...

Elle savait très bien que rien ne consolerait Will. Et elle aussi aimerait venger son amie. Mais ce sentiment de haine ne l'avait pas encore saisi, il s'était tranquillement installé dans un coin de son esprit, où il attendrait patiemment quelques jours avant que Bridget n'arrive à faire face à la réalité, et là, là, il exploserait.

CLAC !

Sa main était partie toute seule. Bridget se mit à trembler. Peur. Elle était morte de peur. Peur que Will reparte aussi vite qu'il était revenu. Un silence pesant s'installa. Les yeux de la jeune fille s'arrondirent quand elle compris enfin son geste. avant que la jeune fille ose enfin parler.

- Pardon... souffla-t-elle en se jetant sur Will pour l'enlacer. Pardon, je voulais, je suis désolée. Mais me quitte pas ! Je pourrai pas, j'y arriverai pas cette fois, tu ne sais pas, nan, tu ne sais pas ce que c'était un an comme ça, je mourrai si tu t'en vas... Elle ramassa par terre leurs deux lettres qui étaient tombées au sol à l'arriver de Will dans la tour. Lis ça... C'est ta lettre, ton début,e t ma réponse. Lis ça et rends toi compte à quel point je t'aime, à quel point je suis complètement folle de toi, et je t'en pris... Elle prit son visage entre ses mains tremblantes. Pars plus sans moi.

Bridget ne dit plus rien. De toute façon, que pouvait-elle bien dire ? Elle s'écarta un peu et observa Will en maltraitant sa lèvre inférieure. Il irait jusqu'au bout. C'était Will. La violence, la mort, il connaissait, il n'en avait pas peur. Il irait mourir pour Emma. Après tout, c'était aussi pour ce côté sombre et fou que Bridget l'aimait.

- Très bien, fit-elle enfin. Sa voix était calme et assurée. Elle s'était complètement calmée. Tu ne changeras pas d'avis de tout manière. Désolée pour... elle montra sa propre joue. Là c'était juste un peu trop. J'ai passé un an avec Nolan a vous chercher dans tous les coins et à crever de peur à chaque instant, alors... T'imaginer déjà repartir alors que tu viens à peine de revenir... Ca fait un peu trop pour mon cerveau aujourd'hui.

Elle soupira doucement. Un peu trop était un éphémisme même.

- Tu sais, dès l'instant où vous avez disparu, ça a été l'bordel. Mélanie m'a tout raconter : l'histoire des héritières, le rôle de Depp, tout. Et y avait ce mec qui traînait dans l'école, là, je sais plus son nom. Ca a été la panique totale, tout le monde est parti. Mélanie et Lily, j'pense que c'est Depp qui le leur a demandé. Les autres je sais pas. Ils avaient sûrement peur en sachant qu'ils étaient amis avec vous trois... Avec Nolan on est resté. Je me disais que s'il y avait bien un endroit sûr où vous réapparaîtriez si vous reveniez, c'était bien l'Académie. J'ai jamais fait autant de conneries en une année, et je sais pas comment Nolan a fait pour pas me tuer.

Elle fut secouée d'un petit rire nerveux.

- Ils m'ont renvoyée en Italie à la moitié de l'année. Nolan m'a suivie. Mes parents m'ont prise pour une folle. Et on a cherché, cherché, par tous les moyens possibles à vous retrouver. Aujourd'hui, j'ai cru que ça allait être pareils, en plus dur. Retrouver tous ces endroits où tu étais toi... Et tu arrives. Et là, si demain je me rends compte que c'est un rêve, je saute. Je pourrais plus le supporter.

Elle se tut un instant, mordillant l'ongle de son pouce. Will ne serait certainement pas fier en sachant tout ce que Nolan et elle avait tenté de faire pour le retrouver. Elle n'avait de toute façon pas l'intention de le lui dire, il se rendait sûrement déjà bien assez de combien elle l'aimait.

- Je t'aime, Will. Alors si tu dois encore partir, fais le bien. Te fous pas en l'air inutilement. Va venger Emma, et Léo, si tu pense qu'il le faut. Parc'que je te jure que si je te retrouve mors dans un coin du château, je te ferais bouffer par une armée de chihuahuas !

Elle se tut encore un moment. Elle se dit que l'année allait être plus dure que la précédente. Darkheart avait eu une héritière, il avait déjà réussi à faire entrer un de ses sbires dans l'école, il aurait Mélanie et Lily. La guerre approchait doucement, et les tensions internes à l'Académie n'allaient certainement pas aider les choses...

Bridget soupira doucement. Il n'arrêterait donc jamais avec ça... Elle se leva doucement, se plaça derrière l'homme qu'elle aimait le plus au monde et l'enlaça tendrement, s'agrippant à sa chemise et posant sa tête contre son dos.

- Tu mériterais cent fois mieux, toi aussi, déclara-t-elle. Je suis rien. Je suis une pauvre gosse qui a quitté la dictature russe pour venir en France et finir putain de luxe même à Nogare. Je t'ai trahis, menti, je t'ai fait honteusement mal, j'ai trahis Emma et Léo aussi, je me suis laissée manipuler par un connard que tu as tué pour me sauver alors que j'étais qu'une moins que rien. J'ai jamais rien été, Will, à part un jouet et une sacrée garce. C'est pas ça que tu mérites, tu mérites une fille bien, aussi intelligente et cultivée que toi, avec un joli corps et plus d'esprit, qui arriverait à te comprendre mieux que moi... Pas une chose salie comme moi.

Elle ferma les yeux et serra un peu plus Will contre lui. Elle n'avait jamais compris comment il en était venu à l'aimer, elle, plutôt qu'une autre, beaucoup mieux équilibrée... Comme cette jolie jeune fille dont il était fou amoureux à leur rencontre...

- Et je veux également que tu saches que tu es un mec bien, déclara-t-elle une fois que Will eut finit son discours. Donc on s'accorde bien, non ? Ca ne sert à rien de rendre les choses plus difficiles qu'elles le sont, autant qu'on en profite.

- De nous, répondit simplement Bridget.

Si Will sortait encore un de ses discours à la "Je t'aime mais on est pas fait pour être ensemble, blablabla" qu'elle abhorrait plus que tout, elle le plaquait contre le mur (enfin... autant qu'elle le pouvait) et le ferait taire à sa façon. Un an sans se voir, et voilà que, comme d'habitude remarquez, ils s'engueulaient pour des broutilles. Peut-être étaient-ils effectivement un couple malsain... Mais Bee s'en moquait. Ce qu'elle désirait en ce moment même, c'était profiter de Will, le retrouver, partager avec lui toute leur année, le redécouvrir, et l'aimer à nouveau...